Archives 2025
Juillet 2025
Aux origines de l’unité canadienne
Le 1ᵉʳ juillet est la fête nationale du Canada. Cette journée marque la naissance officielle du pays en 1867, lorsque quatre provinces se sont unies pour former la Confédération canadienne : le Québec, l’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.
À cette époque, la crainte d’une annexion américaine, renforcée par la guerre de Sécession et l’expansion territoriale des États-Unis, avait incité les dirigeants canadiens à rechercher une unité.
Ils cherchaient également à affirmer l’autonomie du Canada face au Royaume-Uni. Ils souhaitaient, toutefois, maintenir des liens stratégiques avec l’Empire britannique, afin de se protéger des ambitions américaines et d’assurer la propre pérennité du Canada dans une Amérique du Nord en pleine mutation.
Le timbre-poste ci-dessous a été émis le 29 juin 1927 pour célébrer le 60e anniversaire de la Confédération canadienne. Il est un bel exemple de la manière dont le Canada a commémoré sa propre construction nationale :

Il montre une carte du Canada avec deux dates importantes : 1867, année de la fondation du pays, et 1927, étape du chemin parcouru depuis.
Cette carte est illustrée à l’aide de deux teintes distinctes de bleu qui montrent l’évolution territoriale du pays. Le bleu foncé correspond aux quatre provinces fondatrices du Canada en 1867 :

La région colorée en bleu pâle montre les provinces qui se sont jointes à la Confédération canadienne jusqu’en 1927 :
- Le Manitoba (1870) ;
- La Colombie-Britannique (1871) ;
- L'Île-du-Prince-Édouard (1873) ;
- La Saskatchewan et l’Alberta (1905).
La numérisation du timbre a créé des variations chromatiques qui ne sont pas visibles sur l’original. Ce phénomène est fréquent avec les encres foncées : selon la lumière, l’angle de prise de vue ou la qualité du support, des tons violacés ou verdâtres peuvent apparaître.
Au-dessus de la frontière canado-américaine, on remarque deux lignes foncées qui traversent le pays jusqu’à l’extrémité ouest. Elles représentent les deux chemins de fer transcontinentaux du Canada, symboles majeurs de l’unification canadienne :
- Le Canadien Pacifique (CP) a été le premier chemin de fer à relier l'est du Canada (Montréal/Toronto) à la côte ouest (Vancouver) ;
- Le Canadien National (CN) a été créé par la fusion de plusieurs compagnies ferroviaires et est devenu une autre ligne transcontinentale importante.
Entre 1867 et 1927, le Canada est ainsi passé de 4 à 9 provinces. Il faudra attendre en 1949 pour que s’ajoute l'île de Terre-Neuve, qui formera la dixième province canadienne. [1]
Une frontière paisible, une identité à défendre
Les enjeux contemporains rappellent parfois les préoccupations du passé. Les discussions sur la sécurité des frontières, la coopération militaire dans le cadre de l’OTAN ou de NORAD ou encore les tensions commerciales récentes montrent que l’indépendance et l’unité du Canada demeurent encore pertinentes.
Bien que le Canada soit devenu une confédération pour se distinguer des États-Unis, il partage avec ce pays la plus longue frontière non militarisée du monde, un symbole fort de la confiance et de la coopération qui existe entre les deux pays.
Cela ne veut pas dire pour autant que les débats sur l'identité et la souveraineté canadienne aient disparu. L'influence économique et culturelle des États-Unis demeurera encore longtemps une donnée importante dans la réalité canadienne .
Célébrer le 1ᵉʳ juillet au Canada, c’est reconnaître le chemin parcouru depuis une époque où l’avenir de ce pays était incertain. Aujourd’hui, il demeure un acteur mondial stable et indépendant, mais profondément interconnecté avec son voisin.
R. Simard
Note
[1] Au Canada, faut distinguer les provinces des territoires : les provinces tirent leur pouvoir directement de la Constitution canadienne. Elles sont des entités souveraines dans les domaines de compétence qui leur ont été attribués par la Loi constitutionnelle de 1867. Les territoires ne tirent pas leur pouvoir de la Constitution, mais d’une délégation de compétences accordée par le Parlement canadien. Cela signifie que le gouvernement canadien peut modifier les pouvoirs qui leur sont accordés, s’il le souhaite. Les territoires canadiens sont les suivants : les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut.
Juin 2025
La Crimée en 1991–1992 : une région en crise d'identité
En 1991, après la chute de l’URSS, l’Ukraine est devenue indépendante. La Crimée, qui était une république autonome au sein de la RSS d’Ukraine depuis 1954, se retrouva automatiquement intégrée à l’Ukraine indépendante.
Beaucoup d’habitants de Crimée, majoritairement russophones, étaient hostiles à cette intégration. Ils se sentaient historiquement et culturellement liés à la Russie. Certains souhaitaient rester dans un espace post-soviétique ou même être rattachés à la Russie.
Le 20 janvier 1991, un référendum avait donné une majorité en faveur du rétablissement de la République autonome de Crimée.
Le 5 mai 1992, le Parlement de Crimée a même proclamé l’indépendance de la Crimée. Celle-ci fut suspendue le 22 mai sous la pression de Kiev.
C’est dans ce contexte que des stocks de timbres-poste soviétiques ont été surchargés localement. L’exemple ci-dessous présente les caractéristiques suivantes :

- Le mot « КРИМ » désigne la Crimée ;
- Le Trident est le symbole officiel de l’Ukraine indépendante.
Ces timbres-poste n’ont jamais été émis par l’administration postale ukrainienne. Ils ne sont pas officiels et sont considérés comme des timbres de fantaisie. Cependant, ils portent un message fort : « La Crimée est ukrainienne ».
Ce timbre est un acte philatélique chargé politiquement : il ne reflète pas la volonté majoritaire de la Crimée en 1992 ; il exprime la volonté de l’Ukraine de maintenir son intégrité territoriale.
Il incarne le conflit d’identités qui a atteint son paroxysme le 18 mars 2014 avec l’annexion de la Crimée à la Russie – un acte qui, en 2025, demeure toujours non reconnu par la communauté internationale.
R. Simard
Mai 2025
Le dernier chapitre d'une icône canadienne : la Compagnie de la Baie d'Hudson
Le timbre-poste ci-dessous a été émis par le Canada le 15 septembre 1999, dans le cadre d’une série philatélique rappelant les grandes réalisations canadiennes au tournant du millénaire. Il représente la Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC), le plus ancien commerce du Canada :

Le 2 mai 1670, la Compagnie de la Baie d'Hudson a été fondée grâce à une charte royale promulguée par le roi Charles II d'Angleterre. Cette charte accordait à la compagnie un monopole exclusif sur le commerce des fourrures dans une vaste région du Canada actuel.
Ce monopole a permis à la compagnie de devenir l'une des entreprises les plus puissantes du monde à cette époque et de consolider la position des Britanniques dans le commerce des fourrures en Amérique du Nord.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la demande de fourrures en Europe était très forte. Les peaux de castor étaient particulièrement prisées pour la fabrication de chapeaux de feutre, un accessoire de mode et un symbole de statut social essentiels à cette époque.
Les Européens échangeaient des produits avec les peuples autochtones contre des peaux de castor. Parmi les articles les plus appréciés par les Amérindiens figuraient les toiles et les couvertures de laine, de coton ou de lin, prisés pour leur longévité, leur solidité et leur beauté.
La convoitise des Amérindiens pour les tissus européens n’est pas sans rappeler la fascination des Inuits pour les tissus rouges des colons scandinaves lorsque ces deux cultures ont cohabité au Groenland durant le Moyen Âge. (voir La philatélie au service de l'actualité : l'histoire du Groenland.)
La présence d’un Européen et d’un Autochtone sur l’illustration symbolise la relation commerciale qui a existé entre la Compagnie de la Baie d’Hudson et les Premières Nations du Canada :

L’Européen représente les marchands impliqués dans le commerce des fourrures, tandis que l'Autochtone représente les intermédiaires qui fournissaient les fourrures, acteurs essentiels dans l’évolution de ce commerce.
Les rayures de couleur devant les personnages font référence à la célèbre couverture à points de la Compagnie de la Baie d'Hudson :

Introduites au Canada en 1779, ces couvertures de laine au rayures de couleur étaient produites en Angleterre pour le commerce des fourrures avec les Premières Nations du Canada. Elles étaient utilisées par la compagnie comme monnaie d'échange contre des peaux de castor.
Les couvertures de la Compagnie de la Baie d’Hudson ont acquis au fil du temps une signification symbolique : elles sont devenues un emblème du Canada, représentant l'histoire partagée entre les peuples autochtones et les colons européens.
Ces couvertures ont continué à être fabriquées pour la vente au détail, figurant sur les rayons des magasins La Baie. Elles ont été parmi les objets qui ont disparu rapidement lorsque l’entreprise a annoncé la fermeture définitive de ses magasins et la liquidation de toute sa marchandise.
À la fin du XIXe siècle, la Compagnie de la Baie d’Hudson s'est diversifiée en introduisant des articles de consommation courante dans ses magasins à grande surface.
Au cours du XXe siècle, la compagnie a ouvert de nombreux magasins à travers le Canada, s'imposant comme un lieu d'achat incontournable.
La Baie, forme brève du nom de l’entreprise depuis 1965, était connue pour son large éventail de produits, allant des vêtements aux bijoux, des meubles aux articles ménagers, des jouets aux parfums, etc.
En haut à gauche, on aperçoit un canoë en mouvement, une référence directe aux peuples autochtones et aux trappeurs du Canada. Ces moyens de transport étaient essentiels pour leurs déplacements dans les régions isolées du Canada :

En filigrane de cette représentation, on reconnaît le B stylisé représentant la marque La Baie. Créé en 1965, ce logo est devenu le symbole moderne de la Compagnie de la Baie d’Hudson et a constitué un ancrage visuel fort pour l'entreprise.
À l’occasion du tricentenaire de la compagnie en 1970, une nouvelle charte a été signée par la reine Élisabeth II : la Compagnie de la Baie d’Hudson est transférée du Royaume-Uni au Canada et son siège social de Londres à Winnipeg.
Plus près de nous, l’entreprise a traversé une période difficile marquée par des tentatives d’adaptation aux nouvelles réalités du commerce. La concurrence accrue des détaillants en ligne, les changements dans les habitudes des consommateurs et les problèmes financiers internes ont malheureusement signé la fin de ce fleuron de l’histoire du Canada.
En avril 2025, après avoir déposé une demande de protection contre ses créanciers, La Baie a pris la décision de fermer définitivement tous ses magasins, mettant fin à une marque emblématique de l'histoire commerciale canadienne.
Ce timbre-poste est une belle représentation visuelle de l’histoire de la Compagnie de la Baie d'Hudson, de ses liens avec les Premières Nations du Canada et du rôle fondamental que cette entreprise a joué dans la construction du pays en tant que nation de commerce et d'échanges.
La Compagnie de la Baie d’Hudson restera un symbole marquant de l'histoire canadienne, même si la fermeture de ses magasins en 2025 signe la fin de cette institution.
R. Simard
Avril 2025
« Un siècle d'amitié États-Unis - Canada »
Le timbre-poste suivant, émis par les États-Unis le 2 août 1948, célèbre le « centenaire de l’amitié entre les États-Unis et le Canada ». Il incarne une relation historique entre les deux nations voisines, fondée sur la coopération et des liens amicaux durables.

Ce timbre-poste, gravé en taille-douce, représente le majestueux pont suspendu des chutes du Niagara. Construit de 1851 à 1855, ce pont incarne les liens historiques et économiques qui ont unis le Canada et les États-Unis pendant un siècle.
Ce chef-d'œuvre d'ingénierie reliait la rive canadienne des chutes du Niagara à celle de l'état de New York aux États-Unis. Il a été le premier pont ferroviaire suspendu au monde.
Conçu pour une utilisation polyvalente, ce pont a été construit pour faciliter les échanges et les déplacements. Il présentait deux tabliers superposés : le tablier supérieur était réservé à la circulation des trains, tandis que le tablier inférieur accueillait les piétons et les voitures à cheval. La finesse de la gravure permet de bien les distinguer :

Au cours de la seconde moitié du XIXᵉ siècle, le pont suspendu des chutes du Niagara a joué un rôle important dans le commerce transfrontalier canado-américain. Chaque année, environ 12 millions de dollars de marchandises transitaient par cette voie. [1]
La décision de sa construction s'inscrivait dans la volonté de renforcer le commerce bilatéral entre le Canada et les États-Unis. Le traité de réciprocité, négocié à partir de 1848 et rendu officiel en 1854, avait pour but d'éliminer ou de réduire les tarifs douaniers (!) sur des marchandises importantes dans les échanges entre les deux pays.
Il est intéressant de mentionner que ce pont a joué un rôle humanitaire important lors de la guerre de Sécession (1861-1865). Il a offert aux esclaves en fuite depuis le sud des États-Unis un passage vers le Canada, leur permettant de retrouver leur liberté.
En 1897, le pont suspendu fut remplacé par le pont des rapides Whirlpool, qui demeure aujourd’hui une structure importante reliant les deux rives de la rivière Niagara.
Les relations actuelles entre le Canada et les États-Unis contrastent beaucoup avec celles ayant eu cours au XIXᵉ siècle. Bien que les liens entre les deux pays soient encore puissants, ils sont soumis aujourd'hui à des défis bien différents de ceux qui ont permis la construction du célèbre pont représenté sur le timbre-poste.
R. Simard
Référence
[1] RYERSON, Egerton, HODGINS, John (1854), « The Niagara Suspension Bridge », The Journal of Education for Upper Canada, 8 (10), Toronto, Canada: Lovell and Gibson, Archived from the original on March 1, 2024. Consulté le 30 mars, 2025.